Depuis le Covid, chaque année, c’est la même chose !
On croit que l’on a enfin fait le tour (médiatique) du sujet du télétravail. Pourtant, chaque jour, la veille des médias et des réseaux sociaux prouve le contraire. Fin 2024, LinkedIn Actualités a même placé le télétravail parmi les 15 tendances marquantes de 2025, pronostiquant sobrement que « Le télétravail trouvera (enfin) son équilibre ».
L’acmé d’un feuilleton médiatique qui a débuté en septembre dernier.
De quoi parle-t-on ?
Amazon (quand même) a déclaré mi-septembre que ses salariés devraient revenir au bureau. Exit le télétravail. Cette annonce intervenue dans le sillage d’autres entreprises, américaines notamment, a retenti comme un coup de tonnerre et fait couler beaucoup d’encre.
Avec une question : le télétravail pourrait-il être supprimé en France ?
Dans le flot des retombées, on retiendra par exemple la Une des Échos « Télétravail : la fête est-elle finie ? » le 27 septembre, celle du Parisien le 14 octobre titrant sur « La fin d’une époque ». France Inter s’interrogeait le 24 décembre (Joyeux Noël !) : Vers la fin du télétravail en France ?
Ce qui corse encore un peu plus le sujet, c’est que pendant ce temps-là, d’autres articles faisaient état de l’adhésion profonde des salariés français au télétravail comme Les Échos qui reprenait une étude de la Dares confirmant Le Succès toujours plus important du télétravail auprès des salariés, le 5 novembre. Dès le mois de mars 2024, l’Apec avait d’ailleurs publié une étude relayée, entre autres, par Le Monde qui affirmait que les cadres considéraient le télétravail comme un acquis avec Plus de la moitié (d’entre eux) qui ne veulent pas d’un retour en arrière. Dans ce contexte, on comprend mieux que le 30 décembre, France 3 PACA ait jeté un pavé dans la mare : La fin du télétravail dans les entreprises inquiète précisant que des « gens partiraient » de leur entreprise si elle était effectivement mise en œuvre.
Pourquoi le télétravail fait-il autant parler (et fait-il toujours débat) ?
Le Monde du 8 novembre dernier reprenait une étude de la Dares : en 2023, le télétravail concernait 1 salarié sur 4 (26 % exactement), sachant que selon l’Insee, 39 % des postes étaient compatibles avec le télétravail (en 2021). Donc, bien que la France reste encore à la traîne de La Suède championne du télétravail (RFI, le 25 décembre 2024), ce dispositif concerne, au moins potentiellement, une part non négligeable de salariés.
Les conditions brutales dans lesquelles le télétravail a été massivement adopté expliquent en partie que le débat ne s’assèche pas. En mars 2020, même les dirigeants les plus frileux jusqu’alors n’ont eu d’autre choix que d’ouvrir les vannes. Et comme le soulignait Influencia fin septembre c’est ce Télétravail engendré de force (qui n’en) finit plus de questionner dirigeants et salariés.
C’est que l’une des spécificités du télétravail réside dans le match sans fin qui se joue entre ses avantages et ses inconvénients, documenté à coups d’études et de rapports parfois contradictoires. D’un côté, le télétravail fait gagner sur le temps de transport et constitue un allié de poids dans la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et personnelle. D’un autre côté, le télétravail est régulièrement accusé d’engendrer une perte de créativité et de motivation, de provoquer un délitement du collectif et de l’engagement des collaborateurs.
Comment s’imprégner de la culture de son entreprise à distance ?
Comme le remarquait très justement Le Figaro le 22 septembre, qui pointe notamment les « ravages du manichéisme » souligne que télétravail ne fait « pas de consensus », c’est le moins que l’on puisse dire.
Quels sont les contours du télétravail « à la française » ?
Le télétravail tel qu’il est mis en œuvre en France privilégie majoritairement un entre deux, une organisation hybride qui allie présentiel et distanciel. Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH, rappelait dans une interview à France Info le 27 septembre dernier : « En France, 80 % des entreprises qui utilisent le télétravail le font au maximum 2 à 3 jours par semaine ». Au contraire des États-Unis où le télétravail se pratique full remote. Une nuance qui a son importance. Les annonces des entreprises américaines mondialement connues, bien qu’amplement relayées, sont donc intervenues dans un contexte qui n’a pas grand-chose à voir avec la situation majoritaire en France.
Dans la même interview, Benoît Serre précisait également que si, en France, les accords télétravail qui arrivaient à échéance étaient en train d’être renégociés avec les syndicats « c'(était) plus une affaire d’organisation qu’une affaire de restriction ». Une précision qui a elle aussi son importance. D’ailleurs, en France, cette tendance au rééquilibrage était bien là, à l’état de signal faible, avant l’annonce d’Amazon. Juste pour l’exemple, dès octobre 2023 le Monde titrait Télétravail : vers la fin de l’open bar expliquant que « Sans arrêter le mode hybride, les entreprises organisent le retour au bureau pour recadrer les pratiques des salariés ».
Alors le télétravail, comment va-t-on en parler en 2025 ?
Le télétravail plaît. Il épouse des attentes fortes, de la Gen Z et bien au-delà.
Malgré tous les débats en cours et les réajustements qui pourraient intervenir, il ne semble donc pas possible de le ranger au rayon des gadgets de management, à l’instar du baby-foot.
En 2025, le télétravail devrait donc continuer à se déployer dans les médias au gré de l’actualité. Celles des entreprises et de leurs annonces. Pour la petite histoire, Amazon a décalé le retour de ses salariés au bureau, faute de place (Les Échos le 21 décembre 2024). Le télétravail pourrait aussi suivre d’autres actualités comme celle de la NAO (Négociation Annuelle Obligatoire) et des salaires. Dans un contexte économique incertain, le télétravail pourrait devenir un levier de négociation entre salariés et employeurs, qui serait alors largement commenté dans les médias.
Le télétravail est un sujet presqu’inépuisable car il n’est pas qu’un dispositif d’organisation du travail. Parfois un peu fourre-tout, il recèle des pratiques si diverses qu’il faudrait presque parfois utiliser l’expression au pluriel. Il incarne aussi un symbole du « monde d’avant », que le Covid semblait avoir balayé. Bien souvent, il agit comme un révélateur de notre rapport au temps de travail et plus largement de notre rapport au temps. Et il jette aussi une lumière crue sur des difficultés, qu’elles soient managériales (à distance ou pas finalement) ou à embarquer les collaborateurs sur le long terme comme le souhaiteraient les entreprises et leurs équipes dirigeantes.
Pour conclure, si le télétravail sera probablement encore une des stars des médias en 2025 c’est parce qu’il est devenu un sujet de Société.