Faut-il s’exprimer sur la crise politique actuelle quand on est un dirigeant

À l’approche des élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains, l’inquiétude monte dans le milieu économique… Dans ce contexte politique et social tendu, des médias ont relayé les préoccupations des entreprises. Et, peu à peu, quelques voix ont commencé à se faire entendre, questionnant ainsi le rôle des grandes entreprises et, plus généralement, du monde économique dans cette crise inédite, et leurs prises de position dans les médias.

Le 18 juin dernier, le quotidien Les Échos titrait en Une : « Les entreprises sous le choc politique ». Cet article soulignait la stupeur des chefs d’entreprise, pris de court par la situation politique actuelle. Nombreux étant ceux préférant se tenir à l’écart du débat, de peur d’attiser des tensions parmi leurs clients ou salariés. Seules quelques voix s’étaient alors élevées, notamment dans des secteurs particulièrement menacés comme celui des énergies renouvelables. Les Échos rappelaient que la plupart des entreprises, en cette période chargée de clôture des comptes trimestriels, de préparation de la saison estivale et de mobilisation pour les Jeux Olympiques, restaient néanmoins silencieuses.

Au fil des jours, toutefois, quelques prises de parole ont émergé dans les médias. En premier lieu le Medef (regroupant près de 200 000 entreprises), expliquant qu’il « soutiendra les projets favorables aux réformes économiques et à l’ambition européenne, dans le respect de la démocratie sociale ». Le 17 juin, ce fut au tour de l’Afep, (l’Association française des entreprises privées regroupant 117 grandes entreprises telles qu’Air France-KLM, Airbus, Engie, L’Oréal, Shell, LVMH ou encore Michelin) de publier un communiqué, soulignant l’importance des élections pour l’avenir économique, social et environnemental du pays, sans toutefois mentionner explicitement les programmes politiques en question.

Les prises de parole se sont peu à peu faites plus « engagées ». Michel-Edouard Leclerc fait partie des rares à avoir pris position publiquement, se disant inquiet pour « l’influence » et « la crédibilité » de la France. Puis, le 19 juin dernier, Les Échos publiait une tribune signée par 73 responsables d’entreprises qui, à titre personnel, voulait sonner l’alarme sur les conséquences des choix électoraux à venir. Ils y rappelaient notamment que « notre rôle de responsable économique nous oblige à alerter sur les conséquences des choix qui seront faits dans les prochaines semaines ».

Enfin, certains dirigeants d’assureurs mutualistes ont également pris position. Dans une déclaration relayée par l’AFP, Pascal Demurger, président de la Maif, exprimait ses craintes et déclarait que « face au risque de voir le Rassemblement National gouverner la France dans quelques semaines, le temps est à la mobilisation et en particulier des milieux économiques ».

Cette situation inédite pose une question majeure pour le monde économique : quel doit être le rôle des grandes entreprises face à une telle crise politique ? Doivent-elles prendre la parole et s’engager activement, ou rester en retrait pour éviter d’être perçues comme politisées ? Ces interrogations résonnent particulièrement dans le contexte actuel où la frontière entre le monde des entreprises et les préoccupations sociétales devient de plus en plus perméable. Les chefs d’entreprise sont donc confrontés à un choix, qui est un vrai exercice d’équilibriste : s’impliquer davantage dans le débat public pour défendre des valeurs et des intérêts à long terme, ou rester en retrait pour ne pas compromettre leur image et leurs relations avec diverses parties prenantes.

 

Sources

  1. Les Échos, 18 juin 2024
  2. Les Échos, 19 juin 2024
  3. BFM TV, 15 juin 2024